Entretien avec un vampire
Je n'ai pas de vie propre.
Je vais et je viens dans chacune de vos vies, je m'en inspire et m'y implique entièrement, je sais vos habitudes, vos amis, vos familles, vos déprimes et vos joies.
Mais quelqu'un a t-il déjà vu ma vie ?
Je n'en ai pas.
Je n'ai pas de ville, d'appartement, de syndic d'immeuble qui fait chier, de repas familial, de medecin, de pharmacienne, de gyneco ( à part Doc.), d'amis de toujours qui passent à l'improviste, d'adresse, de cours de chant le mardi, d'employeur de 10 ans, de bande de copains du samedi soir, de lieu de vacances, de vaisselle de toujours, de table héritage familial, de bar habituel, de plat préféré, de meubles de quand j'étais petite, de repas de noël obligé, de fête d'anniversaire organisée, d'âge, de semaine de ski, d'album photo de toute une vie, de compagnon, d'enfants, de prêt immobilier, de banque, de banquier, de dîner de collègues, de voisins préférés, de voisins détestés, d'histoire d'il y a 15 ans, d'amis de 20 ans, de cousins, de tante, d'oncle, de grand parents, de boîte à souvenirs, de chalet dans les alpes, de maison d'été dans le langedoc, de salon à Aubervilliers, de quartier, de noël, de hanuka, d'aïd, de nouvel an, de télé, de chanteur préféré, d'heure de reveil...
On ne peut pas compter sur moi !
Je n'ai pas d'habitude.
Je n'ai pas d'objets amassés et de vie construite.
Je ne tiens pas assez aux objets pour les conserver et trop aux personnes pour m'y attacher.
Ma vie est déconstruite, je ne suis qu'une goy errante, sans reprère temporel, sans stabilité, sans identité.
C. m'a dit : "Il y a beaucoup de choses à côté desquelles tu es passée de peur d'être décue".
Ce n'est vrai professionnellement ou quand je suis la seule impliquée, en revanche cela l'est en ce qui concerne la vie privée collective (i.e. quand d'autres êtres humains sont impliqués).
Je n'arrive pas à m'habituer à l'amertume de la décéption. Pour ne pas être déçue, ne rien attendre, et donc passer à côté de beaucoup.
C'est sans doute pour ça que Qu. de Barcelone a l'impression que je suis un personnage de fiction...
Ps : Aujourd'hui je me suis payée trois manteaux d'hiver. J'en ai marre de ma doudoune, non pas parce que c'est une doudoune de clodo avec des trous mais parce que cette conne a des scratchs qui ont filé une pair collant de trop (et ma patience a des limites).
Et puis, j'ai toujours trouvé que des collants filés faisaient mauvais genre (genre vieille pute de bar perdu dans la banlieue de Caracas).